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Comments

[marie secrétaire]

non je crois que c'est pas grave si quelqu'un sait déjà.

[Ana]

ah ben oui, mais les poissons alors, et les gens qui ont mangé des poissons au cyanure…
je réfléchis à mes "secrets", mais ceux auxquels je pense sont finalement toujours connus par au moins une personne, est-ce que ça compte?

[madame V.]

J’ai empoisonné mon mari.
Notre vie commune était devenue impossible. Nous nous détestions au point que je n’aurais pas pu supporter qu’il vive une autre vie après la séparation. L’idée de son bonheur m’était intolérable.
Il y a une tradition dans ma famille qui veut qu’une femme laisse à l’une de ses filles, ou petite-filles du cyanure en poudre dans un médaillon à cachette, qui représente une vierge.
Les hommes n’en ont jamais rien su.
Comme, pour sauver les apparences, nous simulions une entente polie devant nos fils durant les repas de famille – rares, du reste, car mes fils travaillent tous deux à l’étranger- et que j’ai été très précautionneuse quant aux quantités versées quotidiennement dans la nourriture de mon mari, qui, par ailleurs avait déjà une santé fragile, sa mort n’a semblé suspecte à personne. Aucune enquête n’a été menée.
L’un de mes fils a un petit garçon. Sa femme a subi une hystérectomie et elle ne lui donnera pas d’autre enfant.
Nous n’y avons jamais fait allusion, mais mon autre fils est manifestement homosexuel.
J’étais fille unique. Je n’ai pas de nièce.
Je n’ai donc pas d’héritière à qui transmettre le médaillon.
En le jetant dans la rivière, j’ai pensé à mon père, que je détestais autant que ma mère le détestait, et à sa mort brutale une belle journée d’avril. Pour la première fois j’avais eu l’impression de vivre un printemps.