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[co]

Je l'ai quitté précipitemment, après trois années de vie américaine à ses côtés. Le reste me manquait, mon pays, ma famille, mes amis. Un jour, je l'ai laissé là-bas. Il n'a pas voulu quitter son univers d'adoption. J'ai essayé de reconstruire le mien, forte, autonome. Dans une ville. Puis dans une autre. Essayé de reconstruire la vie à deux, aussi. Sans jamais vraiment y arriver. Il était toujours là, dans mes pensées. Et puis, il y a quelques mois, nous nous sommes parlés...

[helene]

Je lave doucement sa vieille peau toute ridée. Elle est allongée sur le lit. Ma grand mère.

« Regarde ces cheveux, je ressemble à une vieillasse là. » - Mais non, tu es très belle comme ça. – « Je lui ai jamais dit à Pierrot » - Quoi ? –

« Je lui ai jamais dit. Je l’ai enterrée au fond du jardin. On venait juste de se marier, et j’avais pas l’habitude. Et voilà que je faisais cuire des pâtes et je m’en vais au fond du jardin. Et tout d’un coup... Je reviens, et ça fumait de partout. Et voilà ! Complètement fichu la casserole ! J’ai jeté les pâtes et j’ai enterré la casserole dans la terre, au fond du jardin, pour pas que Pierrot la voit. »

[alatacam]

Je suis moche .... j'y peux rien si je suis moche ... tout ça c'est sa faute. c'est sa faute si je suis moche c'est elle qui m'a faite.
sans rire, elle n'a pas vu en se regardant dans le miroir que je serais forcément moche, aussi moche qu'elle ? elle croyait quoi? que des fées se pencheraient sur mon berceau quand je serai née et feraient de moi le canon que je ne serai jamais ?

ma pauvre maman, si tu avais su à cet instant précis, à cet instant même où tes yeux se sont posés sur lui que le pire allait arriver, que de ce regard juste levé vers lui allait conduire à "ça" ?

ma pauvre maman, à cet instant tu le regardes, tu sens des papillons dans ton ventre maman, à cet instant tu aurais dû te dire que ce n'est pas des papillons maman, c'est juste le repas de midi qui a du mal passé ... tu as mal au cœur maman mais le mien y as-tu déjà pensé ?

[Specio]

Parce que c'est humide et chaud. Langue passée sur cet ongle. La peau, pâle et copiée sur du parchemin. Traversée dense de petites veinules bleues. Altercation de sucion. Sentir les rides fines sous mon palais et relacher la prise. Dans l'ascenseur vers le travail, aux toilettes, dans les recoins de la rue passante. Se planquer. Une fois, à l'ecart, retirer le gant et mettre son pouce dans la bouche. Alors, enfin, retrousser les branchies et retrouver la confiance assise de cet épanchement lascif. Sucer un pouce adulte. Le mien, toujours. Rattraper en douce son goût, sa texture bêcheuse bien à l'abri de ma tronche enfantine.